Surf : À la recherche de la nouvelle vague

Dans le monde entier, la course fait rage pour être le premier à lancer une machine à fabriquer de bonnes vagues de surf. Laurent Héquily, 52 ans, créateur de la start-up Okahina Wave, travaille sur un projet original respectueux de l’environnement.

« Construire les villes à la campagne, car l’air y est plus pur. » L’air de rien, le célèbre bon mot d’Alphonse Allais a inspiré au siècle dernier nombre de créateurs. Dont certains ont eu l’idée saugrenue d’installer des stations pour faire du sport en hiver dans les montagnes !

Persuadé qu’une utopie est une idée folle qui a réussi, Laurent Héquily envisage d’installer des machines à vagues de surf en ville.

Fou ? Pas tellement, si on considère que les ados-surfeurs épris de liberté ayant fait les grandes heures de la discipline, dans les années 1970 et 1980, ont dû un jour quitter leurs plages et leur combi Volkswagen pour aller gagner leur vie en ville, parfois loin de l’océan.

Amener la vague à domicile

Les vagues n’attendent pas les vacances ou les week-ends pour se manifester. « Il n’y a guère plus de cent jours praticables par an, dit Laurent Héquily, et les amateurs dans mon genre n’ont plus assez d’occasions de s’amuser en site naturel. » D’où son projet de leur amener la vague à domicile. Le sport de nature au cœur des cités est dans l’air du temps.

Après la nage en eau libre sur les fleuves ou l’escalade en salle, le temps du surf sur des plans d’eau artificiels est-il arrivé ? C’est la conviction de Laurent Héquily, forgée au cours des raids qu’il organisait autrefois sur les traces du roi Salomon, dans le nord du Tchad.

Des surfeurs du monde entier la partagent depuis des années. En décembre, une vidéo du célébrissime américain Kelly Slater a fait le tour de la « surfo-sphère » en quelques heures. On y voit le multiple champion du monde chevaucher une vague, produite artificiellement selon une mystérieuse technologie dans un site à la localisation tenue secrète.

Plus officiellement, deux grands bassins existent en Europe, l’un au Pays de Galles et l’autre en Espagne (1). Le premier a même accueilli en 2015 la première compétition officielle de surf en bassin, patronné par la société Red Bull, maîtresse pour repérer les tendances d’avenir.

L’enjeu : une vague artificielle respectueuse de l’environnement

« Cela prouve que mon idée n’est pas si folle que ça, puisque d’autres ont eu la même en même temps », explique Laurent Héquily, pas découragé que ses concurrents soient allés plus vite que lui. « Tous les projets existants ont un point commun qui ne convient pas à la philosophie du surf, ils utilisent un bassin fermé qui a mobilisé des milliers de tonnes de béton. »

Pas surf le béton ? « L’enjeu n’est plus de savoir qui aura demain la plus grosse vague à surf ou la plus longue à rider (surfer, NDLR) à l’instar de celui qui aura la plus grosse voiture, dit-il. L’enjeu majeur n’est pas de faire le plus gros mais de concevoir le plus beau, c’est-à-dire le plus respectueux pour la nature et pour l’homme. »

De la philosophie à la pratique, il y a un pas de géant que Laurent Héquily est en train de tenter, sur un site privé situé dans le sud-ouest dont il ne dit rien, comptant sur un système rodé dans ses aventures africaines, fait de bouts de ficelle et d’huile de coude.

Objectif : un prototype dans trois mois

Sa technologie, qu’on pourrait résumer par « vague semi-naturelle », repose sur l’observation des atolls, ces anneaux de corail où un courant peut créer une vague circulaire régulière. Dans son projet, pas de béton, donc, ni de coûteuse injection d’eau comme dans les parcs gallois et espagnol, mais un simple anneau de matériau composite flottant et animé par quatre pales créant, à la manière d’un mixer géant, une vague tournante permanente.

Son objectif est de terminer au plus vite, d’ici à trois mois, son prototype réalisé à échelle un quart et de trouver un site client, par exemple une base de loisirs périurbaine sur un lac artificiel. Pour aller plus loin, il ne lui manque rien d’autre. Sinon des partenaires, de l’argent, des banques, des subventions, c’est-à-dire… tout. Mais ça ne l’inquiète guère. « Dans ma vie, chaque fois que j’ai réussi quelque chose, dit-il, j’ai commencé par entendre que c’était impossible. »

Son inspiration : la lumière dans le regard aveugle de Théodore Monod

« J’ai abandonné mes études de médecine en fin de troisième année pour me lancer dans l’organisation de voyages dans le désert. À l’époque personne n’y croyait, alors je suis allé voir Théodore Monod. Il m’a reçu dans son petit bureau du Muséum d’histoire naturelle et m’a demandé de le raccompagner chez lui. Il était déjà aveugle, il m’a écouté tout le long du chemin pendant que je lui tenais le bras en racontant mon histoire. Cela peut paraître idiot, mais j’ai vu de la lumière dans ses yeux. Cette confiance m’a aidé à aller au bout de mes rêves. »

(1) Il existe une attraction reproduisant les sensations d’une vague de surf à Splashworld, un parc aquatique situé près d’Avignon, mais elle ne peut être qualifiée de vague artificielle, telle que l’entendent les surfeurs.

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